Chez les viticulteurs, le travail du sol sur le rang se démocratise de plus en plus, comme méthode alternative au désherbage chimique. Pour les exploitations, cela implique une bonne connaissance des enjeux agronomiques et une adaptation des itinéraires techniques comme des méthodes de travail.
Depuis près de 10 ans dans les vignobles français, les pratiques de désherbage sont au cœur des interrogations, avec une tendance générale au recul des herbicides. Partout, les viticulteurs expérimentent pour mettre au point des itinéraires techniques adaptés. Pour nettoyer le cavaillon notamment, le travail du sol occupe une place centrale. En plus de contrôler la flore adventice, il favorise l’aération des sols, améliore la pénétration de l’eau et la minéralisation, tout en redynamisant la vie biologique souterraine.
« C’est de loin le travail qui demande le plus de temps et de connaissances aux viticulteurs, une partie difficile à gérer et celle qui pose le plus de questions » estime Benoît Chaillan, référent technique viti chez Naïo. Car si la profession a bien conscience de sa nécessité, la transition s’assortit souvent de contraintes, surtout pour ceux qui n’ont connu que la solution phytosanitaire.
Maîtrise des principes agronomiques
Le choix à opérer parmi les outils existants dépend principalement de critères climatiques et pédologiques, mais aussi des
affinités régionales et de l’histoire de chaque domaine.
Florent Banctel, ingénieur réseau Dephy Ferme et conseiller à la Chambre d’Agriculture des Pays de Loire, recommande de commencer par « creuser un trou au pied de ses vignes et observer le fonctionnement racinaire. Des vignes désherbées exclusivement par les herbicides depuis leur plantation auront des racines très superficielles, qui risquent d’être brisées par les outils. C’est un passage quasi-obligé mais on peut adapter l’itinéraire et le matériel pour limiter la casse ». Sur les vignes plus jeunes, « les racines charpentières ont la capacité de se reconstruire rapidement. Le passage d’outils incite l’exploration racinaire en profondeur, ce qui permet les années suivantes de limiter les effets de stress liés au climat. D’où l’intérêt d’habituer tôt les jeunes pieds à ces pratiques alternatives d’entretien du sol. » De même pour celles plantées avant l’ère du « tout-phyto », qui n’ont pas connu de traitements dans leurs jeunes années et dont les racines ont bien plongé.
La maîtrise des principes agronomiques est donc la clé pour choisir comment intervenir et à quelle profondeur. « Avec le travail du sol, on n’est plus seulement sur une fonction de désherbage mais sur des techniques agronomiques d’ensemble. Chaque action est ambivalente, chaque passage induit des conséquences et réactions en chaîne », résume Florent Banctel. Accroître la minéralisation du sol sur une période proche des vendanges par exemple, c’est aussi déclencher un relargage d’azote et donc provoquer un excès de vigueur de la vigne, une brèche pour les maladies et particulièrement le botrytis. Ces risques doivent être anticipés et les actions bien calculées, voire compensées par d’autres pour garder la maîtrise de sa production.
Accompagnement et retours d’expérience
Un itinéraire technique adapté, un réglage adéquat du matériel et des fenêtres d’intervention bien choisies suffisent-ils à éviter les déconvenues ? Pour Florent Banctel, la formation et l’accompagnement des viticulteurs sont nécessaires mais rien ne remplace le partage entre pairs. « Les échanges de points de vue, les retours d’expérience permettent d’adapter ses propres pratiques et de continuer à évoluer ».
Reste la question de l’impact de tels changements sur les exploitations. Côté pratique, « le passage au désherbage mécanique peut nécessiter des adaptations du vignoble. Avec par exemple l’installation de piquets de protection devant les complants, avant le passage de la machine », prévient Benoît Chaillan. Réduire ou stopper les intrants, c’est aussi utiliser davantage de ressources (un passage demande environ 2h/Ha au tractoriste), accroître la fréquence des interventions, engager des coûts d’équipement… pour un rendement identique, voire diminué dans les premières années si l’on tient compte de la casse éventuelle. Des charges supplémentaires à répercuter sur les prix, une réalité à laquelle les clients doivent être sensibilisés. Pour Benoît Chaillan, « le gain se trouve du côté de la valorisation du produit final et de l’image du vignoble. » Car au-delà de la seule évolution réglementaire, les changements de pratiques des viticulteurs mettent en avant une volonté réelle de produire autrement.
Pour en savoir plus sur le robot enjambeur vignes Ted