En cette période de fortes chaleurs et d’étiage, nous avons interrogé Cécile DELAMARRE. Conseillère Maraîchage et Biodiversité à la Chambre d’Agriculture de Lot-et-Garonne, elle nous répond sur la gestion de l’irrigation des petits et moyens maraîchers de son département, ainsi que sur l’apport des nouvelles technologies pour les gestion des ressources en eau.
Quelles sont les problématiques liées à l’irrigation que rencontrent les petits et moyens maraîchers dans votre département ?
Les petits et moyens maraîchers sont souvent producteurs d’une multiplicité de cultures et de petites parcelles, ce qui n’est déjà pas simple à gérer.
Ensuite, dans le Lot-et-Garonne, nous sommes confrontés en particulier à des sols qui ne sont pas tous les mêmes d’un secteur à l’autre, ni même sur une même exploitation ! Nous pouvons trouver chez les maraîchers :
- des sols d’alluvions : ces sols sableux, plus sensibles à la sécheresse, demandent des irrigations plus rapprochées et plus conséquentes,
- des sols argilo-calcaire : l’irrigation doit y être effectuée de manière plus longue et plus espacée,
- des sols boulbènes composée principalement d’argile et de sable : boulbène forte à grosse teneur d’argile, ou boulbène douce ou maigre à teneur d’argile plus faible. Les boulbènes douces ont tendance à montrer des excès d’eau en hiver et de sécheresse d’été : les terres non argileuses et peu profondes ne retiennent pas l’eau.
Un maraîcher ayant des sols différents ou hétérogènes sur son exploitation devra être vigilant, mais aura tendance à irriguer plutôt plus que moins pour gérer les différents besoins en eau des sols, et apporter le plus au sol et à la culture qui en ont le plus besoin.
L’autre grand problème en ce moment est celui des restrictions d’eau concernant également l’irrigation au goutte à goutte : ce système d’irrigation ne permet pas d’arrêt, faute de quoi on risque de perdre le bulbe d’humectation.
Quel est l’appui technique de votre Chambre d’Agriculture pour les irrigants ?
Nous fournissons de prestations chez des agriculteurs, plus tournés vers la technique (fertilisation, implantation…). Pour l’irrigation, ce type de prestation est plus délicat : le climat peut varier très vite, cela revêt donc essentiellement du travail de l’agriculteur lui-même.
Nous éditons un message chaque semaine : « L’appui technique aux irrigants d’Aquitaine » disponible en ligne. Ce message donne les valeurs des ETp (Evapotranspiration Potentielle) valables pour les cultures en plein champs, ainsi que les derniers arrêtés préfectoraux en vigueur, les avances végétatives…
Le bulletin d’avertissement irrigation se veut être un outil d’aide à la décision. Il donne les points de repère pour la conduite d’irrigation, afin d’optimiser les pratiques par un bon pilotage : déclenchement, reprise des tours d’eau et arrêt des irrigations.
En ce qui concerne le maraîchage, nous avons quelques parcelles de références en melon bio et une en tomate industrie. Ouafa Yebba, Conseillère hydraulique à la Chambre d’Agriculture 47, a mis en place des sondes Watermark : les producteurs nous transmettent ainsi les relevés des sondes que nous intégrons dans le message hebdo.
Nous conseillons par ailleurs aux producteurs d’utiliser un outil d’aide à la gestion de l’irrigation : de nombreuses sondes capacitives arrivent sur le marché mais représentent un coût d’investissement non négligeable, surtout pour les petits producteurs. Ils peuvent se tourner vers des sondes Watermark, plus accessibles. Quel que soit le type de sonde, les entreprises commercialisant ces outils conseillent les producteurs pour la mise en place et le suivi. L’objectif de ces outils reste la mesure de la disponibilité de l’eau dans le sol. Il est en effet très important pour les petits maraîchers de bien gérer l’irrigation, car celle-ci influence les apparitions de maladies, l’état végétatif des plantes…
Pour gérer son irrigation, nous effectuons des profils, qui permettent de voir à la fois la dispersion de l’eau dans la profondeur du sol, et en même temps les répercussions du travail du sol sur l’implantation de la culture et la répartition de l’eau.
Que pensez-vous du vieil adage « Un binage vaut 2 arrosages » ?
Cet adage est vrai pour certaines cultures comme les haricots et les pois : le binage apporte vraiment un plus.
Pour les cultures de plein champs, le binage va permettre une meilleure absorption des eaux d’arrosage car il va casser la croute superficielle de terre, mais cette croute est aussi un rempart à l’évaporation. Mais un binage uniforme, pas trop profond (3 cm), et dans de bonnes conditions (sol réessuyé, donc ni trop sec, ni trop humide), permet de limiter l’évaporation car l’eau aura mieux pénétré.
Aujourd’hui, en quoi les nouvelles technologies peuvent aider à une meilleure gestion de l’irrigation ?
Je pense que les nouvelles technologies vont encore évoluer et apporter de bonnes choses. La génération des sondes capacitives est une innovation : chez les carottiers, ces sondes fonctionnent depuis peu en Aquitaine. Il semble que c’est une évolution. Une sonde capacitive par site homogène mesure la teneur en eau du sol sur plusieurs profondeurs. Il est ainsi possible de connaître le stock d’eau (en mm) sur la profondeur de sol explorée par la sonde
Les sondes tensiométriques ou tensiomètre (comme le watermark) sont composées d’un capteur : une bougie poreuse qui mesure la tension en eau du sol (en cbars). Les tensions élevées correspondent à une eau difficilement mobilisable pour les racines et les tensions faibles, au contraire, à une eau facilement mobilisable pour les racines.
Il est nécessaire d’installer plusieurs sondes par site pour connaitre l’état d’humidité sur les différents horizons de sol.
Ces deux types d’outils d’aide au pilotage ont des fonctionnements différents et il est nécessaire de prendre du recul avant d’opter pour l’un ou l’autre.
Le binage robotisé est intéressant car on va limiter les jeunes adventices et va permettre une meilleure infiltration de l’eau. On peut alors pailler les rangs et utiliser une irrigation en goutte à goutte, et biner pour désherber les inter-rangs.
Si je devais imaginer une innovation pour l’irrigation, ce serait un système de mesure mobile et robotisé, qui interviendrait très précisément sur les besoins des cultures.
Votre message aux irrigants en cette période estivale…
Après les périodes froides, les périodes de chaleur sont bien présentes : veillez de près à vos arrosages en vérifiant les états racinaires régulièrement.
En effet, le printemps froid n’a pas toujours permis des reprises rapides et de bons enracinements donc les erreurs d’arrosage peuvent être très néfastes.
A partir de mi-août, les jours diminuant nettement, soyez prudent sur les doses d’irrigation.