Pourquoi et comment favoriser la vie des sols, la minéralisation, et obtenir un sol riche en nutriments, en un mot, fertile. Matthieu Valé, responsable technique du pôle agriculture chez Aurea (laboratoire d’analyse et conseil agro-environnemental) a partagé ses connaissances avec l’équipe de Naïo Technologies.
Lorsqu’on parle de vie des sols, de quoi parle-t-on ?
Matthieu Valé : On parle de tous les organismes vivants dans les sols, du microscopique – les bactéries et les champignons par exemple – au plus grand – des vers de terre ou même des petits campagnols notamment. On parle aussi de leurs actions et interactions.
Pourquoi est-il important de maintenir de la vie dans les sols ?
MV : Tous ces organismes assurent des fonctions essentielles pour la fertilité des sols. Ils dégradent et recyclent la matière organique, qui se transforme alors en minéral (processus de minéralisation). Et c’est de ces éléments minéraux que vont se nourrir les plantes. En ce sens, la vie des sols est essentielle pour le développement des végétaux et donc, pour l’agriculture.
On dit qu’en France on a « épuisé les sols », comment en sommes-nous arrivés là ?
MV : Après la seconde guerre mondiale, l’objectif était de produire pour assurer l’autosuffisance alimentaire. La sélection variétale et l’utilisation de fertilisants de synthèse et minéraux ont permis une forte progression des rendements. L’entretien et la stimulation de la vie des sols sont passés au second plan dans le raisonnement des pratiques, partant du principe que le sol n’était qu’un support et pas un outil qui pouvait alimenter les cultures. Le problème, c’est que certaines pratiques de fertilisation sécuritaires ont engendré des externalités négatives sur l’environnement. Ensuite, au début des années 2000, la forte augmentation du prix des fertilisants a débouché sur une réduction drastique de la fumure de fond (phosphore et potassium), ce qui a compromis le potentiel de fertilité des sols.
Cela veut dire qu’aujourd’hui nos sols ne sont plus fertiles ?
MV : Les situations sont assez différentes selon les régions et les conséquences varient en fonction des types de production. Dans les zones d’élevage, il y a un apport en matière organique important ; les sols y sont moins dégradés. Dans les régions céréalières et légumières sans apport organique et avec réduction de la fumure de fond, on constate effectivement une baisse du potentiel nutritif et une dégradation de la structure du sol.
Comment un agriculteur peut-il favoriser la vie de son sol ?
MV : La première chose à se dire, c’est que la vie des sols a besoin du gîte (la structure du sol) et du couvert (de quoi se nourrir). Pour favoriser la vie organique et la minéralisation, il faut une bonne structure de sol et du carbone organique accessible en quantité et en qualité. Concrètement, il faut d’abord faire un diagnostic de son niveau actuel de fertilité. Un des moyens est l’analyse de terre (texture, statut acido-basique, statut organique, statut nutritif). Aujourd’hui, seulement 10 % de la SAU (surface agricole utile) est analysée chaque année, il faudrait améliorer ce taux.
Ensuite, différentes solutions se présentent, en fonction du sol, des cultures, des besoins de l’agriculteur : fertiliser son sol avec des intrants organiques ou minéraux, adapter le travail du sol en fonction du contexte pédoclimatique (TCS, labour occasionnel, semis direct, …), faire évoluer la rotation culturale, mettre en place des intercultures ou des couverts permanents…
Chez les maraîchers, s’ils peuvent laisser reposer les sols entre deux récoltes, pratiquer les rotations de cultures – c’est-à-dire, s’ils ont l’espace suffisant, semer des céréales entre deux cultures de légumes -, apporter des matières organiques (fumier ou compost par exemple), ils amélioreront le statut organo-biologique de leur sol.
Ces modifications de pratiques sont-elles simples ?
MV : Simples et rapides non. Il faut faire une véritable gymnastique intellectuelle. Se remettre sans cesse en question. Faire des essais, et se faire accompagner de techniciens si possible. Mais c’est à l’agriculteur de faire ses choix, car c’est finalement lui qui connaît le mieux ses terres.
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