Pour les producteurs de carottes de plein champ, le désherbage est certainement la problématique agronomique la plus complexe à aborder. Dans un contexte de limitation des solutions phytosanitaires, de pénurie de main d’œuvre et d’évolution dans les attentes des consommateurs, la filière cherche à renouveler son approche. Le 25 avril dernier, l’association d’organisations de producteurs (AOP) Carottes de France organisait une Journée Technique dédiée à la question. L’occasion de présenter de nombreuses méthodes alternatives de désherbage.
Principale menace pour ce légume « feignant » et peu compétitif qu’est la carotte au début de son cycle de développement, les adventices sont les premières responsables des pertes de production à l’échelle mondiale, en raison de la concurrence racinaire et aérienne qu’elles opposent aux jeunes plants. Le désherbage est donc garant de la qualité des rendements et d’une récolte efficace et saine (certaines adventices comme la morelle ou le datura présentent des risques toxiques pour le consommateur).
Mais pour maintenir le seuil de nuisibilité au plus bas, encore faut-il disposer de techniques performantes. Or, la filière est fortement impactée par l’évolution de la réglementation, qui restreint le recours aux solutions phytosanitaires.
« Les produits encore autorisés, moins efficaces, font inexorablement grimper les taux d’IFT, ce qui va à l’encontre des recommandations. Face à cette contradiction, trouver des méthodes alternatives pertinentes est nécessaire », estime Sarah Bellalou, ingénieure à la station expérimentale Invénio en Nouvelle-Aquitaine. « Il y a une vraie prise de conscience, tant au niveau des professionnels de la filière que des producteurs et des constructeurs. On sait qu’il faudra à terme faire sans chimique, il nous faut donc trouver des solutions pour que la culture reste rentable », abonde Cécile Augrain, chargée de mission à Carottes de France.
Repenser l’approche du désherbage de la carotte
Le 25 avril, aux Angles près d’Avignon, l’AOP a présenté un panel d’alternatives, dont certaines en cours de test par les stations régionales d’expérimentation. À commencer par les interventions préventives sur les sols, à l’image de la solarisation ou de l’occultation, de la désinfection vapeur ou des faux-semis. « Si ces techniques ont le mérite de diminuer le stock semencier en phase pré-semis, chacune a ses limites : occupation des sols aux périodes estivales, solutions coûteuses économiquement, humainement ou énergétiquement », relève Paul Pampuri, ingénieur agronome chez Naïo Technologies.
En post-semis, le désherbage thermique, qui se développe depuis une dizaine d’années, donne des résultats encourageants. Quant au désherbage manuel, il reste très présent en agriculture biologique ou sur les petites exploitations, mais le manque de main d’œuvre est prégnant. Ailleurs, cette solution se limite donc souvent à des opérations de rattrapage.
C’est pour l’heure l’option mécanique (binage, sarclage) qui reste la plus abordable selon Cécile Augrain, « à condition d’investir dans des outils précis et adaptés à son mode de production ». Les constructeurs s’appliquent donc à développer de nouveaux équipements (adaptés à la culture en butte, en planches…) et la robotique fait partie des solutions d’avenir, « l’automatisation devenant pertinente dès lors qu’une tâche doit être répétée fréquemment », souligne Paul Pampuri.
Dino, le robot bineur autonome de Naïo, est d’ailleurs en train d’être adapté pour avancer avec précision sur des rangs de carottes et désherber au plus près de ceux-ci.
Combiner et adapter les solutions de désherbage de la carotte à l’échelle locale
Crédits Photo : Carottes de France
La faisabilité et les coûts de mise en œuvre restent déterminants dans le choix d’une solution. « Nous menons des essais factoriels pour éprouver chaque technique individuellement, avant de pouvoir les intégrer à un système de culture », indique Sarah Bellalou, pour qui « il n’y a pas de solution unique, il est nécessaire de s’orienter vers des combinaisons d’alternatives ».
Pour s’adapter au plus près au contexte de chacun, il conviendra en effet de multiplier les leviers : mécanique, via un outillage adapté à son besoin, ses moyens et aux spécificités de son terrain; agronomique, en repensant les systèmes et schémas de culture; semencier, par exemple avec des graines pré-germées qui permettraient aux rangs de se resserrer plus vite, retardant ainsi la mise en concurrence avec les adventices.
« La recherche, souligne Cécile Augrain, a un poids fondamental en cette période de transition pour les producteurs. Les résultats des expérimentations leur permettront de mettre en place les itinéraires techniques les plus fiables, rentables et réalisables, en fonction de leurs propres conditions de culture ».